vendredi, novembre 24, 2006

Quelques leçons apprises sur la réponse aux incidents

Dans le traitement de n'importe quelle crise, l'expérience montre que seuls deux facteurs sont réellement fondamentaux : l'expérience et la préparation.

Après de long mois passés à résoudre (ou tenter de résoudre...) des incidents sécurité informatique, j'en suis venu à la conclusion que la réussite ou l'échec d'une équipe IR ne provenaient pas du nombre d'IDS, IPS, pare-feu, antivirus, proxy et même honeypots qu'elle pouvait aligner, mais tout simplement de son organisation et des rapports humains qu'elle avait su tisser avec ses partenaires.

En fait, savoir répondre à un incident sécurité informatique se résume à respecter les trois principes suivants :
- la perception de l'incident
- la mobilisation des acteurs
- l'organisation de la réponse

Et oui, cela ne demande a priori aucune connaissance technique ! Il suffit pour s'en convaincre d'aligner cinq ou six hackers de haut vol dans une salle de crise... De plus, il faut avoir conscience que, contrairement à l'idée reçue, la gestion d'un incident majeur ne constitue pas une épreuve de vérité, mais un réel savoir-faire qui se construit essentiellement avec l'expérience.

La gravité d'un incident est une notion éminemment relative. Il faut pour cela se préserver de tous les éditeurs de logiciels de sécurité (les éditeurs d'antivirus en tête) qui rivalisent de sensationnalisme. Parfois même, les CERTs les plus sérieux se laissent prendre au piège...

La perception d'un incident sécurité informatique s'affine avec l'expérience et l'on doit toujours s'efforcer d'éviter de nommer crise ce qui n'est qu'une simple urgence, sous peine de perdre une crédibilité si difficile à acquérir.

Le principe de mobilisation consiste à éviter de passer soudain du calme quotidien à l'alerte de mobilisation générale. Il s'agit donc d'accompagner graduellement les indices d'un incident potentiel. Mais, dans la sécurité informatique, tout peut aller très vite...

La règle est la suivante : lorsqu'un faisceau suffisant de présomptions est réuni, il faut placer son équipe en état de veille renforcée. L'objectif est d'accompagner le développement de la situation afin de pouvoir déclencher le dispositif de la résolution d'incident au bon moment. Là encore, l'expérience est reine.

Enfin, il faut pouvoir proposer au client-victime un dispositif organisationnel approprié pour répondre à l'incident. Un tel dispositif fait partie des savoir-faire que l'on ne dévoile pas facilement (et je ne dérogerai pas à cette règle, du moins pour l'instant !).

Toutefois, il faut savoir que la mise en place du dispositif dépend de la nature et de la dynamique de l'incident : on ne gère pas de la même manière un incident court et un incident de longue durée. Et c'est toujours l'expérience qui permet de deviner la durée d'un incident, bien qu'on la sous-estime la plupart du temps !

Un des petits trucs que j'ai appris auprès des spécialistes de l'urgence est l'importance des repères visuels en état de stress. Dans de telles situations, on risque rapidement de perdre ses repères, d'oublier son rôle ou tout simplement de conserver sa propre carte mentale de la situation avant l'incident. De plus, lorsque enfin arrive la relève de l'équipe IR, un compte-rendu oral décousu, sous le coup de la fatigue, n'apporte en général rien de bon, si ce n'est cet habituel : bon courage !

Un tableau blanc avec un organigramme à jour au format géant, un ou plusieurs cahiers de bord (en bon papier), forment encore ce que l'on fait de mieux pour ne pas perdre pied dans un incident majeur regroupant une bonne cinquantaine de sites. Les logiciels de type Trouble Tickets, même les plus sophistiqués, ne les remplaceront jamais...

Ce tableau blanc doit évidemment être placé de manière à permettre au "visiteur" - du type haut responsable - de jeter un oeil derrière l'une des vitres de la salle de crise, sans vous déranger pour vous demander un point de situation et en profiter pour vous raconter sa jeunesse, lorsqu'il était un opérationnel...

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